Récit d'aventure - Mont Adams ou quand ça peut mal virer!
- Michèle

- 13 juin
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 sept.
Pour moi, marcher était sécuritaire. Que peut-il arriver quand on met un pied devant l’autre? C’est tellement naturel, l’un des piliers de base de notre espèce. L’expérience que je m’apprête à vous raconter m’a fait changer d’idée pour toujours.
De plus, étant membre de forums de discussion sur le hiking, je suis en contact avec de tristes événements que je ne pouvais même pas imaginer avant. Pas plus tard que le mois dernier, le corps d'un jeune québécois a été retrouvé, au Mont Allen dans les Adirondacks, l’une des montagnes que nous gravirons dans le cadre de notre défi des 115. Il n’était pas en train de faire du parachute ni même de l’escalade ou tout autre sport considéré extrême… non non, il marchait!
Récit d’aventure

Mon histoire débute le samedi de la fête des patriotes, en mai 2024. Sur mon application Far Out, j’avais tracé le chemin que nous voulions parcourir, Steph et moi, partant du Mont Adams et sillonant toute la chaine présidentielle, en 3 jours / 2 nuits d’autonomie. Il annonçait moins de 1mm de pluie à 40% cette journée et plutôt beau le lendemain. Comme d’habitude quand on hike, nous avons dormi dans le CR-V de Steph, le vendredi, dans un spot gratuit trouvé sur iOverLander. Nous sommes arrivés plutôt de bonne heure au stationnement Appalachia, le samedi matin, sous une fine bruine. « Parfait, le millimètre de pluie est en train de tomber! »
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons entrepris notre ascension. Le sentier Airline est un beau défi et nous étions très heureux de le parcourir. Sous le couvert des arbres, on ne pouvait pas dire s’il bruinait encore ou non.
Après une bonne montée, nous voilà arrivés à l’orée de la zone alpine, bien identifiée par une affiche assez claire merci…

Vous comprenez que c’est à ce moment que ça a commencé à se gâter. N’ayant plus d’arbre pour nous couvrir, nous n’avons pu ignorer la pluie qui n’était plus une petite bruine: ça tombait dru. On a donc mis nos capuches et continué à monter. Arrivés à l’embranchement de la Gulfside Trail, nous nous sommes dirigés vers le Mont Madison, que nous voulions atteindre avant Adams. Ce sentier, encore bien enneigé et bordé de conifères à hauteur des jambes, m’a complètement détrempé les pantalons et je me suis mise à avoir des lacs dans mes souliers en gore-tex! Brrrrrr!
Parvenus à la hutte de peine et de misère, nous avons constaté qu’elle était fermée et, n’ayant pas de galerie, nous n’avions aucun endroit pour nous abriter. Hey oui, il pleuvait encore, avec insistance, depuis au moins une heure.
Rendus à ce point, nous avons abandonné l’idée d’atteindre le sommet de Madison, qui semblait encore si loin. Le temps filait à toute vitesse, nous avions froid et avions de la difficulté à garder le moral. J’ai alors vu une pancarte indiquant le sentier Star Link menant au Mont Adams en 1.6 miles. Ouf, un raccourci!
Oh là là… la Star Link Trail est un sentier à flanc de montagne, qui était encore tout enneigé et très peu fréquenté. Après ce qui semble être une éternité, il se met à remonter vers le sommet de la montagne et, alors que la neige disparaissait tranquillement, il laissait place à de grosses roches… que des grosses roches à perte de vue. Quoique notre vue était assez limitée, je vous l’accorde, à cause de cette averse incessante! Bref, la Star Link Trail, dans ces conditions, était un très mauvais choix!
Steph et moi parlions peu. Toute notre attention était occupée à ne pas glisser. Je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il suffisait qu’on se fasse une entorse de cheville ou qu’on se disloque une épaule pour qu’on risque d’y rester. « Focus Michèle, focus! » Jamais été aussi concentrée, aussi longtemps, de toute ma vie! Le petit nom d’amour du Mont Adams est « pile of rocks » et je vous assure qu’il le porte très bien! Mettez un peu d’eau sur cette pile de roches et vous avez un parfait combo de mauvais plan.
Ces cinq heures sous la pluie auront été dans les expériences les plus intenses de ma vie… pas très loin derrière mes accouchements! J’avais froid, j’avais peur, j’étais épuisée. Heureusement, j’avais mon application sur mon téléphone, qui nous indiquait notre position exacte parce qu’une fois en haut, on ne voyait pas assez loin pour nous repérer.
À un certain point, entre deux roches, j’ai flanché. « Je veux redescendre! » Je me disais qu’on ne devait pas être très loin du sentier Airline par lequel nous étions montés. Pour Steph, cette idée était au-delà de ses forces, nous étions quand même plus proche du camping que de la voiture…
Le projet initial était d’aller dormir au campement Perch, entre les Monts Adams et Jefferson. C’est donc ce que nous avons fait. À notre plus grand soulagement, le ciel a commencé à se dégager lorsque nous avons amorcé notre descente. La photo ci-dessous est d’ailleurs la seule que j’ai prise après être passés en zone alpine!

Nous avons donc réussi à nous rendre à l’abri trois faces du Perch. Quelle n’a pas été notre surprise d’y trouver d’autres êtres humains! D’autres fous! Un père d’environ 65 ans et ses 2 fils dans la trentaine. Eux aussi n’avaient pas prévu la pluie, encore pire que nous, ils avaient des sacs de poubelle par-dessus leurs vêtements!
En défaisant nos sacs, nous avons pu constater qu’une bonne partie de notre matériel était mouillé, et donc inutilisable, comme l’un de nos deux sacs de couchage en duvet, nos doudounes et la plupart de nos vêtements.

Nous avons donc fait avec « les moyens du bord » : nous avons dormi chacun sur notre matelas, mais avec un seul sac de couchage (mommy en plus!), et avons empilé tous nos vêtements secs en couches successives. La nuit n’a pas été la meilleure, mais nous étions soulagés et heureux d’être en vie. Nous avons d’ailleurs pris la décision, avant même de nous coucher, que nous redescendrions cette montagne (affectueusement renommée « gros chien sale »!) le lendemain, plutôt que de prendre la chance de poursuivre. Je me demande encore aujourd’hui comment le reste du chemin s’est passé pour nos acolytes américains, rencontrés au camping qui ont, eux, décidé de continuer!
La descente a été très difficile pour Steph : avec les pieds mouillés, il glissait légèrement à l’intérieur de ses bottes de marche et il a fini avec 9 ongles d’orteil mauves… qui sont tous tombés les uns après les autres, au fil des semaines suivantes!
Ce que nous retenons de cette expérience
Nous ne sous-estimons plus jamais la température, particulièrement si nous savons que nous allons marcher sur une crête ou un sommet dégarni. Elle est tellement changeante et peut être si incertaine. Lorsqu’il y a apparence de mauvais temps, nous trainons maintenant nos pantalons de pluie ainsi que les enveloppes à mettre sur nos sacs à dos. J’ai aussi toujours avec moi des sacs de poubelle. Nous n’avons pas complété encore la chaîne présidentielle et nous savons maintenant à quel point elle ne doit pas être prise à la légère. Je considère que nous étions bien préparés et nous avons, malgré tout, vécu cette expérience.
Épilogue
Nous avons finalement été au sommet du Mont Madison par une magnifique journée très ensoleillée et avons pu contempler le chemin que nous avons parcouru, non sans émotion! Nous avons toujours dans notre mire de faire la traversée présidentielle, à partir de Jefferson, mais dans une seule journée, avec donc un sac plus léger. Avec ses 2 000 mètres de dénivelé négatif (et 1 700 mètres de dénivelé positif), nous devrons être en forme et avoir des genoux impeccables! Et… surtout, nous choisirons une journée à 100% de probabilité de soleil!




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